Les âmes grises

 

Un film d’Yves Angelo

 

D’après le roman de Philippe Claudel

 

Avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret, Marina Hands, Denis Podalydès, Serge Riaboukine

 

 

Les âmes grises, adaptation de Claudel par Yves Angelo (réalisateur du Colonel Chabert) est un film âpre, dur, duquel ne ressort qu’une toute petite lueur d’espoir face à un monde peuplé de ces « âmes grises » qu’évoque l’un des personnages durant le film.

 

Celui-ci raconte l’histoire, sur fond de la première guerre mondiale, du meurtre d’une fillette, étranglée le nom du canal longeant la propriété du procureur général Destinat. Le juge Mierck est chargé de l’enquête avec le policier du village et un colonel de l’armée, le front ne se situant qu’à quelques kilomètres. Dans le même temps, une jeune femme meurt après avoir appris le décès de son compagnon au front. Le climat déjà lourd de la guerre est assombri un peu plus par ces drames qui entourent étrangement le procureur.

 

L’univers très sombre du film, ces colonnes de poilus qui montent au front, le son du canon et la confrontation d’une classe riche face aux pauvres gens du village, renforcent cette idée de malaise permanent qui règne pendant le film.

 

Si les comédiens, touchants, essayent de faire passer un peu d’humanité dans ce marasme général, le film ne décolle jamais vraiment, la faute à cette atmosphère pesante, le manque d’emballement de ces événements qui finalement s’abandonnent complètement. L’impuissance des personnages face à des « figures » locales montre quant à elle qu’en temps de guerre, le monde s’affranchit des règles, de la justice au sens noble du terme.

 

Le film est bien réalisé, bien mis en image par Angelo (qui fut directeur de la photographie sur nombres de films d’Alain Corneau). Il vaut surtout le coup d’œil pour ses comédiens : Jean-Pierre Marielle, sombre et froid, pourtant fascinant ; Marina Hands, dont le visage lumineux éclaire l’écran de sa présence ; Jacques Villeret, excellent dans le rôle du juge Mierck, qui a trouvé ici sans doute un de ses meilleurs rôles, et malheureusement l’un de ses derniers ; Denis Podalydès en policier, meurtri aussi, impuissant face à l’ampleur de ce qu’il sait, cherchant avant tout à reprendre ses esprits, redonner un sens à sa vie avec son bébé ; Serge Riaboukine, second rôle toujours impeccable du cinéma français.

 

On ne ressort pas des Ames grises avec le sourire aux lèvres mais avec cette impression désagréable que le monde n’a pas d’espoir et que ce n’est que la guerre e ses ignominies qui permettent aux gens d’avancer dans la vie. Constat quelque peu fataliste d’un film réussi mais dur et profondément noir.

 

Arnaud Meunier

09/10/2005